Arsène Wenger naît à côté de Strasbourg et grandit dans le bistrot tenu par ses parents. Il en gardera un souvenir intense, marqué par la cruauté des adultes entre eux mais aussi par les nombreux débats footballistiques. Son père entraîne le club de son village et alimente sa passion sans fin pour le ballon rond. L’alsacien devient un joueur modeste en parallèle de ses études où il réalise l’importance de l’anglais, qu’il apprend, pour sa vie professionnelle. Fidèle à sa région, de l’AS Mutzig au RC Strasbourg en passant par Mulhouse, il remportera 3 coupes d’Alsace et un titre de Division d’Honneur en amateur ainsi qu’un championnat de France avec Strasbourg en 1979, même s’il joue plutôt avec la réserve dont il est capitaine.
Fraîchement retraité, il obtient son diplôme d’entraîneur en 1981 et s’occupe des jeunes de Strasbourg avant d’être brièvement embauché en tant qu’adjoint à l’AS Cannes en seconde division. Sa carrière démarre réellement lorsque le père de Michel Platini, directeur sportif de l’AS Nancy-Lorraine, l’appelle et lui fait signer son premier contrat d’entraîneur principal. Il y passe 3 ans avec plus ou moins de succès et attire l’attention de l’AS Monaco qui l’engage.
Dès sa première saison sur le Rocher en 1988, le club de la Principauté est sacré champion de France. Les années suivantes seront totalement dominées par l’Olympique de Marseille et Monaco se retrouve condamné à un rôle de second, en coupe comme en championnat. Il parvient a arracher une Coupe de France en 1991 et atteint la finale de la Coupe d’Europe des vainqueurs de coupe en 92 ainsi que la demi-finale de la Ligue des Champions en 94, éliminé par l’AC Milan futur vainqueur de la compétition. Convoité par le Bayern Munich, il refuse avant d’être licencié quelques semaines plus tard suite à un mauvais début de saison avec les rouges et blancs.
En janvier 1995, à la surprise générale, Wenger rebondit au Japon au Nagoya Grampus, club de fin de tableau de la J.League, la première division locale. Nagoya est une ville provinciale industrielle d’envergure, partiellement détruite lors de la seconde Guerre Mondiale. Elle s’appuie sur son port de commerce international d’où transitent les immenses exportations du géant de l’automobile Toyota qui possède également le club du Nagoya Grampus.
Le championnat n’a que deux années d’existence mais connaît un réel engouement auprès du public japonais qui peut y retrouver quelques grands joueurs européens venus finir leur carrière comme Ramón Díaz, Gary Lineker, Dragan Stojković mais aussi la future légende japonaise Kazuyoshi Miura.
Wenger fait venir trois joueurs d’expérience, les français Franck Durix et Gérald Passi et le japonais Tetsuya Asano. Voulant trouver un juste compromis entre son expérience et la culture locale, il apprend à s’adapter et découvre la tradition du onsen (les bains chauds que l’on prend en communauté) dans lesquels il se prélasse avec son staff et ses joueurs la veille des matchs.
Arsène sait qu’il ne révolutionnera pas le football japonais ancré dans sa culture mais peut lui apporter beaucoup, notamment son professionnalisme. Il sera intransigeant sur l’alimentation, la préparation physique et l’intensité à l’entraînement. Il leur apprend a penser par eux-mêmes et à prendre leurs responsabilités sur le terrain, quand de son côté il s’affranchit de l’opinion des gens, ne parlant de toute façon pas la langue.
Malgré des débuts difficile avec huit défaites sur ses dix premiers matchs – il raconte d’ailleurs être convoqué par sa direction qui lui annonce prendre des mesures drastiques, il se voit déjà dans l’avion mais c’est finalement le traducteur qui est licencié – le coach alsacien termine 4ème de la phase aller et 2ème de la phase retour du championnat et remporte la Coupe de l’Empereur. Cet exploit lui vaut d’être élu entraîneur de la saison. Attaché aux hommes plutôt qu’aux joueurs, ses valeurs trouvent écho dans son équipe qui lui rend bien. Wenger pense que le sport peut être en avance sur la société et le Japon a organiquement une culture du collectif.
L’année suivante il remporte la Supercoupe du Japon face au Yokohama F. Marinos avant de quitter le club en cours de saison pour signer à Arsenal où il deviendra une légende du football. Arsène Wenger laisse une trace indélébile dans le coeur des fans japonais qui ne peuvent qu’imaginer ce que le club aurait pu devenir s’il était resté et lui rendent hommage en encourageant, encore aujourd’hui, l’équipe sur l’air de La Marseillaise.
Régulièrement sollicité par la Fédération du Japon pour devenir sélectionneur national, l’alsacien a toujours refusé, fidèle à Arsenal d’abord, puis ne souhaitant plus prendre de banc et heureux de son rôle plus léger à la FIFA ensuite. Son passage au Japon redonnera à Wenger le goût du football (il avait été traumatisé par l’affaire VA-OM lors de son aventure monégasque) ainsi qu’un détachement et une sérénité qu’il n’avait jamais connus, lui qui était littéralement malade après les défaites de son équipe auparavant.
Inconnu du grand public anglais et premier entraîneur non britannique d’Arsenal, les tabloïds titreront « Arsène Who ? » lors de son arrivée en Premier League. Ils comprendront très vite à qui ils ont à faire et le français sera renommé « le Professeur » pour le plus beau chapitre de sa carrière.








