C’est l’histoire des montants les plus célèbres du football. Le 12 mai 1976, Saint-Étienne affronte le Bayern Munich en finale de la Coupe d’Europe des clubs champions dans l’antre d’Hampden Park, située à Glasgow. Le stade qui accueille l’équipe nationale d’Ecosse à une particularité : les poteaux sont carrés, alors que depuis le début des années 70 les stades du monde entier évoluent vers les poteaux ronds que l’on connaît aujourd’hui. Et si les stéphanois nourrissent d’éternels regrets, c’est parce qu’ils auraient pu être la première équipe à atteindre le graal ultime pour une écurie européenne, bien avant la victoire de Marseille lors de la finale de la Ligue des Champions 1993.
Depuis la fin des années 60 et la nomination d’Albert Batteux l’entraîneur du grand Stade de Reims, Saint-Étienne est le nouveau géant du football français, porté notamment par « la panthère noire » Salif Keita et Rachid Mekhloufi. Après être devenu le premier club de l’Hexagone à remporter le championnat trois fois d’affilé et un triplé historique championnat – Coupe de France – Gambardella, il ne manque plus qu’aux Verts la Coupe d’Europe. Malgré quelques belles prestations, celle-ci semble inaccessible pour les ligériens qui échouent chaque saison.
En 1972, l’arrivée de l’ancien capitaine Robert Herbin sur le banc voit Saint-Étienne prendre une autre dimension et devenir l’équipe favorite des français, particulièrement grâce à sa première véritable épopée européenne où ils s’inclineront en demi-finale face au Bayern Munich.
Mais c’est la saison 1975/76, où les stéphanois décrochent un troisième titre de champions de France consécutif, qui semble être la bonne. Sainté domine facilement les danois du KB Copenhague en seizièmes de finale, 5-1 sur l’ensemble des deux matchs, avant de sortir les Rangers en huitièmes. Les Verts réalisent une remontada extraordinaire face au Dynamo Kiev du Ballon d’or Oleg Blokhine en quart de finale (0-2 à l’aller et 3-0 au retour) et s’imposent lors d’une demi-finale ardue face au PSV Eindhoven (1-0 et 0-0), laissant l’ange vert Dominique Rocheteau sur le carreau pour la suite, blessé à la cuisse.
Sans son meilleur joueur, Saint-Étienne retrouve le Bayern Munich du « Kaiser » Franz Beckenbauer en finale de la Coupe d’Europe des clubs champions, ancêtre de la Ligue des Champions actuelle. Les stéphanois voient la barre transversale carrée repousser par deux fois leurs tirs en première mi-temps, à la 34ème minute sur une sublime frappe à 25 mètres de Bathenay et à la 39ème minute sur une reprise de la tête à bout portant de Santini. Si la barre avait été ronde, le ballon serait à priori rentré dans les filets du gardien bavarois Sepp Maier. Les Verts encaissent finalement un but à la 57ème minute sur un coup-franc de Roth et ne parviendront pas à revenir au score.
Les « Poteaux Carrés » de Glasgow reflètent l’archétype de l’excuse à la française pour justifier une défaite difficile à avaler, mais les acteurs de la rencontre réfutent l’idée de l’injustice. Les deux tireurs Verts malheureux ainsi que leurs coéquipiers assument leur manque de réalisme et évoquent un match très équilibré et une victoire honnête du Bayern Munich.
La légende des poteaux carrés entretient cependant le mythe et fait aujourd’hui partie intégrante de l’histoire de l’AS Saint-Étienne. C’est pourquoi en 2013, quand elle apprend que les poteaux existent toujours dans les entrailles du stade écossais, la direction du club s’empresse de faire un chèque de 20 000 euros pour les récupérer. Morceaux d’histoire, les montants en bois ont bien vécu et sont en mauvais état. Restaurés, ils sont la pièce maîtresse du nouveau musée des Verts, premier de France à retracer l’histoire d’un club de football. Une partie des cages sera par la suite vendue en segments à des fans et des collectionneurs, les bénéfices reversés à la Ligue contre le Cancer.
Devenue culte, l’épopée européenne de l’ASSE se termina tragiquement, mais la ferveur populaire qu’elle a générée reste dans le coeur des français, tous devant leurs téléviseurs à l’époque et près de 100 000 à avoir défilés sur les Champs-Élysées parisiens pour accueillir les joueurs en héros malgré la défaite.







